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Héroïne : la catastrophe invisible

Aux Ressources

Anne Coppel

Je peux le dire avec une bonne dose de certitude : je suis à peu près sûre que je n’essaierai jamais l’héroïne. De manière générale, j’ai grandi dans la terreur des drogues dures, terreur nourrie par des histoires sinistres d’overdose, de neurones grillés et de badtrips fatals. Mais en ce qui concerne plus particulièrement l’héroïne, je ne me suis jamais sentie concernée par cette menace : l’héroïne, c’était la drogue du junky édenté et tremblotant, cette figure inquiétante de la dépendance, du manque et de la déchéance que j’avais découverte dans le film Trainspotting puis retrouvée dans le personnage de Bubbles dans The Wire.

Lire La catastrophe invisible, histoire sociale de l’héroïne, publiée aux éditions Amsterdam, c’est comprendre que ces représentations ne tombent pas du ciel. Elles sont façonnées par un certain discours médiatique, lui même branché directement sur un discours policier, par un arsenal législatif issu d’une politique purement répressive, mais aussi par une certaine approche médicale et une grille de lecture psychanalytique. C’est comprendre que la catastrophe, bien réelle - plus de 40 000 morts entre 1970 et 2005 - n’est pas seulement la diffusion de ce psychotrope mais le traitement politique sécuritaire qui a si longtemps interdit, contrairement à ce qui se faisait en Suisse, en Grande-Bretagne ou aux Pays Bas, la libre vente de seringues stériles et la prescription de produits de substitution.

Co-directrice de cet ouvrage passionnant, la sociologue Anne Coppel est une figure centrale du mouvement de la réduction des risques qui a finalement réussi à imposer dans la pratique les mesures d’aide et d’accompagnement des usagers de drogue, contribuant grandement à mettre fin à l’hécatombe silencieuse liée aux overdoses et au sida, notamment dans les cités.

Dans cet entretien on retrace ensemble les grandes étapes de l’histoire sociale, culturelle et politique de l’héroïne en France, « la Découverte » (1964-1973), « la Bascule » (1973-1987) et « le Reflux » (1988-1996), pour saisir comment l’héroïne connaît « une transformation totale, passant du statut de produit “chic”, valorisé, voire médicalement approuvé, à celui de monstre épidémique. En changeant de statut social, ou plus exactement, d’univers culturel et social d’ancrage, elle change aussi de statut politique, institutionnel, imaginaire ».

 

Aux Ressources , émission publiée le 03/03/2018
Durée de l'émission : 66 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

4 commentaires postés

que dire des expériences dans les autres pays comme le Portugal ? existe-t-il des études comparatives (difficile devant la complexité des problèmes ?) les drogues sont un fléau : alcool et tabac compris.

Par morvandiaux, le 06/03/2018 à 16h29 ( modifié le 06/03/2018 à 16h31 )

Votre émission traite d’un sujet de société très complexe sur le problème des drogues
Votre interlocutrice dans ce que j’en ai compris fait la part « trop belle » à la politique de réductions des risques...
J’ai accompagné des usagers de drogue en tant que psychiatre à l’hôpital, dans le cadre de structures de soins pour usagers de drogue et la première prévention c’est d’avoir en tête qu’il n’y a pas de drogue douce et surtout pas le canabis
Quant à la réduction des risques , elle a permis dans un premier temps qu’il n’y ait plus de casse de pharmacie, des usagers de drogue plus conforme aux règles sociales mais ils ont continué à faire du trafic avec les médicaments de substitution.
Bien sûr la distribution de seringues stériles au plus près des usagers a permis d’endiguer le sida, l’hépatite
Mais les usagers de drogue du fait des drogues présentent encore des troubles du comportement et de la personnalité mais ils sont banalisés car prescrit par un médecin
Le trafic de médicaments de substitutions’est fait avec des patients ayant des pathologies psychiatriques qui sont fragiles et se laissent abuser
De plus les médicaments de substitution ne peuvent être qu’un substitut que de l’héroïne et d’aucune autre drogue...
voilà quelques éléments concernant la prise en charge d’usagers de drogue, qui bien sûr ne meurent plus d’overdose mais deviennent complètement dépendants des médicaments de substitution et même de tout psychotrope, alors bien sûr ils sont sous contrôle....

Par Marie Christine Galtier, le 04/03/2018 à 22h13

Excellente interview, cela m'a ouvert des perspectives et donné envie de lire de livre.
Serait il envisageable de récapituler par vidéo ou dans une rubrique à part, tous les livres, films et musiques cités ?

Par Karim El Majri, le 04/03/2018 à 16h21

Merci c'est juste de l'or cette émission! Admirable synthèse sur la question avec bonne humeur et décomplexion, retour historique, perspective sur les US, présentation de la réduction des risques, point sur les trafics... super.

Par Tazio Firelli, le 03/03/2018 à 16h34 ( modifié le 03/03/2018 à 16h46 )