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La démocratie directe, une chimère ?

Aux Sources

Antoine Chollet

Sous l’Ancien Régime, les élites revendiquaient ouvertement leur supériorité morale et intellectuelle sur le peuple. Désormais, l’esprit du temps ne permet plus de dénigrer le peuple. On peut penser qu’il est cupide, stupide ou dangereux, mais on ne peut plus le proclamer publiquement. Les élites ont dû adapter leur discours. Elles se sont converties à la « démocratie » ; du moins en apparence… Car, dans le fond, elles restent généralement convaincues qu’elles savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui. A travers ses travaux, le philosophe Antoine Chollet montre combien l'idéologie élitiste est aujourd’hui répandue. Elle irrigue toute la pensée conservatrice et libérale. Mais, plus étonnant, l’élitisme s’immisce aussi où on ne l'attend pas : dans le discours de militants écologistes, de défenseurs des droits de l'homme, de partisans de la démocratie radicale et d'apôtres de l'insurrection.

Les idées élitistes se dévoilent au grand jour lorsqu’on aborde la question de la démocratie directe. Ses adversaires ne sont jamais à cours d’arguments pour affirmer qu’un tel régime est inapplicable dans des Etats modernes de plusieurs millions d’habitants, que les citoyens ordinaires ne sont pas assez compétents pour prendre en mains leur destin collectif, que la volonté majoritaire risque d’aboutir à des décisions liberticides et que, de toute façon, les individus préfèrent vaquer à leurs occupations personnelles plutôt que de s’investir dans une démocratie directe chronophage. Antoine Chollet déconstruit méthodiquement chacun de ces arguments et il montre que, si l’oligarchie libérale est préférable à un pouvoir franchement totalitaire, elle peut aussi être dépassée au profit d’un régime véritablement démocratique, inspiré des conseils hongrois de 1956. On aurait tort de se reposer sur nos acquis démocratiques, et on aurait tort de croire que ces acquis le sont de manière définitive, puisqu’ils sont remis en cause sous nos yeux par l’exception devenue norme. Lorsqu’elle n’avance pas, la démocratie recule. Elle ne connaît pas l’état stationnaire. Elle est un mouvement infini vers l’égalité, appelée à se déployer dans toutes les sphères du social, à commencer par la sphère économique.

Antoine Chollet articule ces éléments de manière magistrale. Il les met au service d’une défense résolue de la démocratie et, à partir de là, il se confronte aux théories les plus stimulantes du moment : l’appelisme du Comité invisible, le populisme de Chantal Mouffe et Ernesto Laclau, le catastrophisme écologique et l’anticapitalisme de Cornelius Castoriadis. De quoi agiter un bon coup nos neurones !

Manuel Cervera-Marzal

 

Aux Sources , émission publiée le 11/11/2017
Durée de l'émission : 75 minutes

Regardez un extrait de l'émission

Commentaires

11 commentaires postés

Bonjour M. Cervera-Marzal.
À l'occasion de la nouvelle émission avec Antoine Chollet, j'ai fait part de cette question à ma copine qui a trouvé votre réponse sur Internet. J'avais complètement oublié que je l'avais posé, merci beaucoup de votre réponse !

Le lien entre les deux est quand même qu'ils sont très brillants tous les deux...

Par Matthieu, le 28/02/2019 à 01h00

Cher Matthieu,

Non, aucun lien entre Antoine et Mona Chollet(s).

Bien à vous,

Par Manuel Cervera-marzal, le 08/12/2017 à 16h28

Question naïve : est-ce qu'il y a un rapport entre Antoine Chollet et Mona Chollet qui travaille au Monde Diplomatique (outre qu'il et elle aient le même nom) ? Je suis pas arrivé à trouver...

Sinon c'était vraiment intéressant. Ayant fait une manif aujourd'hui, je me suis demandé si on était plutôt dans la partie désordre ou ordre, quelle est la position de la police dans tout ça, etc. Des questions passionnantes ! Merci

Par Matthieu, le 25/11/2017 à 22h35

Passionnant, merci pour tous ces entretiens. Je pense qu'il pourrait être très intéressant afin de prolonger la réflexion de la fin sur la démocratie en entreprise d'inviter un intellectuel mutualiste ou coopérativiste pour essayer d'aborder très concretement quels peuvent être les modalités d'une émancipation à travers ce type d'approche démocratique de la production, pour voir quels sont les avantages de ce modèle mais aussi et surtout ses limites dans le cadre d'une concurrence avec des entreprises capitalistes qui bénéficient d'un système taillé sur mesure pour leur mode de fonctionnement. On pourrait ainsi réfléchir à comment armer ces entreprises pour qu'elles réussissent et quelles pourraient etre potentiellement des politiques publiques efficaces pour aider à leur développement. Je vous invite notamment à vous intéresser au mouvement du "coopérativisme de plateforme" qui cherche à établir une alternative anti capitaliste et émancipatrice au modele des plateformes style uber, deliveroo et compagnie qui constituent probablement à mon sens les formes les plus marquées d'exploitation actuelle et celles promises à l'avenir le plus radieux. Le mouvement n'en est qu'à ses balbutiements mais comme disait l'autre, les commencements ont des charmes inexprimables, surtout en ce moment.

Par Jeanjo LPL, le 24/11/2017 à 11h09

Merci pour vos retours !

Concernant Rancière, Judith Bernard l'avait reçu dans un précédent entretien, toujours disponible sur Hors-Série.

Par Manuel Cervera-marzal, le 14/11/2017 à 12h56

Je reste sur ma faim. Un Rancière par exemple est plus intéressant et plus radical dans sa pensée.

Par Maryse Vidal, le 14/11/2017 à 12h24

Superbe discussion, très brillamment menée, merci beaucoup.

Par Raf, le 12/11/2017 à 21h05

Bonjour ,
c'est avec grand plaisir que je retrouve, après une absence involontaire d'un mois, trop longue pour moi ,"HORS SÉRIE" ,en reprenant sur cette excellente émission sur la "démocratie directe" en particulier, mais dont il conviendrait d'étendre pour être plus précise, aux "démocraties" ou" formes de démocratisation" diverses,tant cette émission est claire et relativement exhaustive sur le sujet .
L' intervenant ,Antoine Chollet ,pointu et incisif dans ses démonstrations ,et une excellente préparation de Manuel Cervera Marzal dont les questions très pertinentes ont permis à celui-ci de rebondir sur les aspects les plus variés et sans cesse mouvants et inachevés de ces formes démocratiques ,ce qui inciterait, donc, à plus d'espoir pour l'avenir .

Merci pour cette belle émission de ma part mais de celle également de mon chat, ravi d'apprendre qu'il y aurait peut être droit un jour ,(sans qu'il soit bien conscient cependant du fait que pour le moment ... c'est lui l' Patron...minet !)

Par catherine richard, le 12/11/2017 à 18h08

Bonjour,

Le voici :

http://pagesdegauche.ch/livres-avant-hier/

Bien à vous,

Par Manuel Cervera-marzal, le 12/11/2017 à 16h05

Bonjour,
Pourriez-vous mettre en lien l'article d'Antoine Chollet sur le comité invisible ?

Par donny frisson, le 12/11/2017 à 14h21

Entretien hautement instructif et stimulant. Merci !

Par J. Grau , le 11/11/2017 à 17h04