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commentaire(s) publié(s) par Sébastien Deville

3 commentaires postés

23/03/2019 - Dans le Texte - La Dignité ou la mort

A partir de 1:08:00 (environ), vous parlez de l' "ubuntu" mais malheureusement vous ne développez finalement pas tant que ça son aspect... philosophique. D'après le peu que vous en dites, j'entrevois un lien direct avec un mythe bien de chez nous : le mythe de Prométhée. Je suis peut-être mauvais esprit, mais je n'aimerais pas avoir la mauvaise surprise de découvrir que l'ubuntu serve à discréditer l' "Occident" en général, en opposant son esprit individualiste, desséché, violent, à l'esprit collectiviste, altruiste, authentique, de l'Afrique. Au contraire, j'y vois quant à moi un prodigieux potentiel de dialogue, d'échange, et d'enrichissement mutuel de l'Afrique et de l'Occident. Car vous n'êtes pas sans savoir que le mythe de Prométhée a abouti à l'une des plus pensées les plus importantes de la modernité : le marxisme. On voit la possibilité de dialogue : qu'ont à se dire l'ubuntu et la praxis ? Ce serait formidable de tabler les potentiels échanges là-dessus !

Si j'ai mes doutes, c'est que, malheureusement, je suis bien au fait des théories de ceux qui se disent indigènes, et en particulier de leur découpage du monde d'un simplisme confondant (le "Nord global" et le "Sud global"). L'ubuntu et la praxis dément absolument ce partage. Ce sont deux mythes aux origines historiques profondes, qui, sans doute, se sont influencés réciproquement (une part non négligeable du patrimoine culturel de la Grèce antique provient de l'Egypte, donc... de l'Afrique), comme un fond commun qui a donné des ramifications diverses.

L'Occident c'est donc aussi ça ; la modernité, c'est donc aussi ça. Ca n'est pas seulement cet incroyable déchaînement de violence et la promotion de l'individu monadique (comme vous le voyez, je ne nie pas ces aspects), mais c'est aussi la prise de conscience de cette vérité universelle (et ici, le mot ne saurait souffrir de contestation) que l'individu dépend des autres, et qu'il en dépend, non pour son malheur, mais au contraire bel et bien pour son bonheur. L'Occident a théorisé cela de son côté, et a abouti à cette découverte de la praxis comme principe de mise en commun des hommes (autour du travail collectif qui permet la survie collective) ; je ne connais pas ce qu'a théorisé de son côté l'ubuntu, il ne semble pas avoir fait du travail une dimension centrale, mais sans doute a-t-il mis en avant des aspects non moins essentiels. Et c'est précisément sur cette divergence des ramifications que le dialogue serait possible, qu'un véritable échange, doublement bénéfique aux deux protagonistes de l'échange, pourrait avoir lieu.

Je suis pour ma part, et bien évidemment, pour une suppression de l'Occident ; son côté émancipateur est par trop rattrapé par son côté destructeur ; il est porteur de bien trop de violence et de désolation pour qu'on continue de le maintenir en vie. Et il me semble que trouver comme cela un patrimoine avec les autres cultures qui soit, d'un côté, suffisamment singularisé et distinct en fonction des cultures pour que l'échange soit bien réel (et pour ne pas que l'on ne s'échange que le Même), et, d'un autre côté, suffisamment commun pour permettre justement le dialogue, il me semble que cela, donc, pourrait participer de cette dissolution des frontières culturelles et civilisationnelles, artificiellement maintenues en place en vue d'intérêt qui ne sauraient être les nôtres. Ainsi, "Afrique" et "Occident" (en ce qui concerne ces deux entités, mais nous avons sûrement d'autres fonds communs avec d'autres entités culturelles pour envisager un projet dans ce sens avec eux) se révéleraient comme ce qu'ils sont, des abstractions, des séparations non-vraies du monde.

L'ubuntu et la praxis, l'héritage culturel de l'Afrique et l'héritage culturel de l'Occident (que, pour ma part, je n'abandonnerai pas, même en connaissant le prix par lequel il a été acquis), ou plutôt, le dialogue de ces deux héritages, me paraissent posséder un puissant potentiel fédérateur, et même être, pourquoi pas, un vecteur de futures luttes communes, en tout cas, de futurs rapprochements communs.

Pour ne pas que l'on doute de la sincérité de ma démarche (je le pressens venir, en vue de tout ce que cristallise de négatif la simple vision du mot "Occident" ; je l'ai certes quelque peu désamorcé en appelant à sa suppression, mais peut-être la défense de son héritage perpétuera-t-il le soupçon), je citerai ces mots du philosophe Paulin Hountondji : celui-ci, répondant à un jeune Blanc venu exalter la pureté de l'âme Noire, lui rétorqua : "Nous ne sommes pas votre supplément d'âme". Et effectivement, l'Occident doit se chercher une âme, une spiritualité, autre part que dans les autres cultures étrangères ; l'Occident possède son propre fond spirituel, dont il faut redécouvrir la valeur si l'on ne veut pas perpétuellement se servir de l'Autre comme palliatif à ce défaut d'identité. Car les deux sont perdants : l'Autre et l'Occident. L'Occident en ce qu'il se fuit lui-même et finalement échoue à se connaître lui-même ; l'Autre qui, bien souvent, est réifié dans cette image que l'Occident a de lui. Exemple paradigmatique : la négritude, qui a fini par être défendu par les plus grands capitaines d'industrie de ce monde (un Noir qui ne veut pas de tracteurs pour ne pas abîmer son authenticité, c'est évidemment très bénéfique pour le colon ou le néo-colon, qui n'a aucun intérêt à ce que les pays en voie de développement se développent).

L'héritage de la civilisation occidentale a sa valeur, étant entendu, d'une part, qu'il ne l'a qu'en tant que permettant l'ouverture à l'autre ; étant entendu, d'autre part, qu'il ne serve qu'à nier, rétrospectivement, la pertinence du concept d'une quelconque "civilisation occidentale", au-dessus du reste du monde ; étant entendu, enfin, qu'il ne saurait servir de cache-misère, ni même de relativisation, du chaos et de l'horreur qu'il a répandu et qu'il répand encore dans le monde entier.

posté le 04/04/2019 à 14h33

04/10/2014 - En accès libre - Qu'est-ce qu'un bon film ?

(je poste ça trois ans après la sortie de la vidéo, mais pas grave)

Il y a un contresens général assez incroyable concernant la conception kantienne du beau. Beaucoup disent que Kant est partisan d'un Beau objectif, qui nierait la subjectivité, qui supprimerait même jusqu'à l'existence même du sujet. C'est d'un contresens incroyable. Je pense que la moindre des choses avant de parler d'un auteur, c'est de l'avoir lu... Kant, c'est précisément celui qui a fait cette "révolution copernicienne" consistant à mettre... le sujet au cœur de l'analyse.

Je cite : "Jusqu'ici on admettait que toute notre connaissance devait se régler sur les objets. [...] Que l'on essaie enfin de voir si nous ne serons pas plus heureux dans les problèmes de la métaphysiques en supposant que les objets doivent se régler sur notre connaissance" (Critique de la raison pure). Pour Kant, la chose en soi n'est pas connaissable, le sujet ne peut connaître que les phénomènes et lui-même, se connaître connaissant les phénomènes. Ce principe est étendu au jugement esthétique : l'oeuvre constitue la chose en soi, que l'on ne peut donc pas connaître en elle-même, et le sujet constitue véritablement l'objet de la connaissance, en tant qu'affecté par des phénomènes. Le Beau se déterminera donc EN FONCTION de ce sujet, de cette subjectivité. Le jugement esthétique ne se conçoit pas sans l'intervention du sujet.

Après, ce qui distingue Kant du relativisme, c'est qu'il va tenter de construire un sujet UNIVERSEL, afin de dépasser les conditions particulières auxquelles risquent de restreindre cette forme de subjectivisme ; mais on a donc bien les deux termes : un SUJET, qui soit UNIVERSEL ; ou encore une SUBJECTIVITÉ, qui soit universelle. Kant ne prétend pas faire sans cette subjectivité, c'est un contresens total, absurde, et ignorant que de dire le contraire.

Après, Kant est évidemment critiquable sur d'autres points (par exemple le fait qu'il confond l'objectivité avec l'intersubjectivité). Mais je voulais restituer son propos de manière plus fidèle que ce que j'ai pu en voir dans les commentaires.

posté le 20/08/2017 à 13h50 ( modifié le 20/08/2017 à 13h50 )

13/04/2017 - En accès libre - Quel Internationalisme ?

Je ne comprends pas, la captation audio dure 2h20 (https://www.youtube.com/watch?v=i-11ZL0jhhw), et votre captation à vous ne dure qu'1h20 ! Quelle est la raison de ce raccourcissement ?

posté le 13/04/2017 à 19h58