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commentaire(s) publié(s) par sibo

3 commentaires postés

13/10/2018 - Dans Le Mythe - Les Super-héros

Je crois qu'on a eu dans cette émission assez d'extraits de Zack Snyder et de Christopher Nolan pour au moins 10 ans. Un long clip qui tient plus par la musique de Philip Glass que par le texte pompeusement récité en voix off, les ralentis fatiguants et la colorimétrie moisie, et un tout aussi interminable pensum énoncé par un Joker d'habitude plus prompt à distraire son auditoire, comme si un film de superhéros était voué à faire dire aux personnages ce qu'ils pourraient nous montrer par leurs actes (chez Nolan, cet individualiste de Batman passe son temps à se faire dicter sa conduite par tous les autres personnages).
Même si c'est compréhensible pour une émission filmée, il est dommage d'avoir montré des extraits d'adaptations plutôt que des planches tirées des comics originaux qui, en plus de rendre justice aux auteurs, auraient permis d'aller un peu plus loin dans les commentaires.

En matière de politique, il y a pas mal de choses dans les séries animées produites par Bruce Timm : "Batman" puis "Superman" puis "Batman Beyond" puis "Justice League" et enfin "Justice League Unlimited".

Dans certains épisodes de "Batman The Animated Series" Bruce Wayne n'apparaît pas, et on reste dans le "pulp" pour explorer la psychologie de personnages très dérangés. Dans d'autres la fortune de Bruce Wayne est un moyen scénaristique de lancer une intrigue ou de la boucler, ou d'évoquer gentiment des problèmes sociologiques.

Plus tard, et notamment à l'époque où George W. Bush s'attaquait à l'Irak, "Justice League" (avec Superman, Batman, Wonder Woman, Green Lantern, Flash et plein d'autres) confronte nos héros au sécuritarisme (ex: "A Better World"), à la manipulation par les médias, ou l'interventionnisme. Cela provoque des débats entre eux, chaque personnage portant en lui une vision du monde particulière (pour un boy-scout demandez Superman, pour un facho demandez la Question) mais pas toujours univoque.

L'intéressant avec un superhéros pré-existant comme Batman, c'est que chaque auteur doit en reprendre les attributs principaux et les adapter en fonction de sa propre sensibilité. A la fin de sa dernière série "Justice League Unlimited", et de façon géniale car elle parachève sous forme de legs plus de 15 ans de travail sur ce personnage, Bruce Timm débarrasse Batman de ses attributs psychologiques et sociologiques (le traumatisme et la fortune XXL, tous deux inventés longtemps après sa création) pour ne retenir que ce qui fait son essence à ses yeux : la vigilance envers toutes les puissances supérieures (et pour cause, il n'a pas de superpouvoirs), une intelligence fondée sur le doute et l'anticipation, le refus d'abdiquer son libre-arbitre, un humanisme fondé sur la volonté de comprendre les autres, etc., etc.

La Ligue des Justiciers, rassemblement officialisé de superhéros, permet en outre de se débarrasser de leur côté "vigilante illégal" pour les confronter à des problèmes de plus grande envergure que des voleurs à la tire, notamment à travers des récits mettant en scène des conflits entre nations/planètes/dimensions parallèles. Et même dans ces cas-là, les éléments choisis pour des raisons narratives ou esthétiques finissent toujours par faire l'objet d'une réflexion critique des auteurs (ex: après avoir amené des intrigues interplanétaires, la tour de contrôle de la Ligue, située en orbite de la Terre, est démantelée car elle était devenue une tour d'ivoire). La longévité et les ramifications exceptionnelles de la diégèse de Bruce Timm (allant jusqu'à une relève de Batman dans le futur) a permis à ses auteurs d'en explorer divers multiples aspects thématiques, stylistiques et méta-discursifs (comme l'importance des attributs naïfs et colorés, hérités des l'âge d'or des comics, dont la valeur symbolique permet de garder une distance joyeuse et critique avec ces héros).

A noter que Paul Dini, auteur de l'histoire de Batman illustrée par Alex Ross citée dans l'émission, a beaucoup travaillé avec Bruce Timm.

Joseph Rolandez, votre analyse est très vague et fait justement abstraction de toutes les particularités des différentes œuvres, comme si une liste d'attributs était un cahier des charges idéologique, et que les auteurs étaient trop nigauds pour s'interroger sur leur matériau de base et le monde qui les entoure. J'attends avec impatience votre étude de Spirou sur le même mode, toujours sans citer le moindre exemple.

Pour finir, Ra's al Ghul est en effet arabe dans les comics. Si Rafik Djoumi croit qu'il est asiatique, c'est parce que dans le pompeux (et malfichu et ennuyeux) "Batman Begins" de Christopher Nolan ses origines ont été bêtement changées afin de ne pas inscrire le film dans des thématiques moyen-orientales, moins à la mode que l'Asie aux Etats-Unis.

posté le 29/12/2018 à 04h10

10/03/2018 - Dans Le Film - The Host de Bong-Joon Ho

Le héros américain du début est immédiatement présenté comme un double idéalisé du personnage de Song Kang-ho, puisqu'ils ont les mêmes mèches décolorées. L'Américain fait tout ce que le Coréen devrait faire, à savoir tenter de sauver tout le monde. Et bien sûr il le paye cher, cette posture héroïque n'ayant de valeur que dans les films américains. A la fin du film le Coréen parvient enfin à faire face au monstre en l'empalant avec une barre de fer, que l'on avait déjà vu dans cette même scène une scène, qui en est l'inverse : l'antihéros et son jumeau américain en faisaient déjà une arme, à ceci près qu'elle étaient rendue inoffensive par le panneau et le bloc de ciment à ses extrémités (ainsi colorées comme un jouet) et qu'ils se contentaient de la lancer sur le dos du monstre.
Le scientifique américain fou a du strabisme mais pas de sourcils (stade ultime de l’asepsie mortifère). Il rejoint la longue liste de méchants américains du cinéma de Bong Joon-ho, surmaquillés et cartoonesques. Ils s'adressent aux personnages coréens comme à des enfants, mais semblent eux-mêmes nés d'un imaginaire enfantin, comme si Disneyland avait contaminé toute la société américaine.

Je me permets de remettre ici quelques idées de ce que j'avais écrites sur le défunt forum d'ASI, à propos d'"Okja" et de son rapport à "The Host", dont il est une sorte le remake :
La bête Okja représente la création artistique, chouchoutée par son réalisateur mais récupérée par l’ultracapitalisme américain. La scène du viol s’apparente aux diverses tentatives des studios pour en tirer des suites, remakes et autres produits dérivés censés satisfaire l’appétit des consommateurs. A quel remake pense Bong Joon-Ho en particulier ? A celui de son propre film "The Host" ! Ses similarités avec "Okja" sont nombreuses : un gros monstre, de vilains Américains déshumanisés, des Coréens lâches et asservis, un groupuscule clandestin rompu aux méthodes d’émeutes. Certaines scènes sont quasi-identiques : un prélèvement de tissus sans anesthésie, une poursuite dans un parking sous-terrain sur la même musique, un jeu avec des baies vitrées, une figurante filmant les déambulations du monstre, l’adoption d’un enfant rescapé à la fin (humain ou cochon)… Les différences résultent de l’édulcoration imposée par ce remake tout-public : le monstre, toujours né de l’impérialisme américain, n’est plus carnivore et meurtrier mais végétarien et affectueux, il ne régurgite plus des monceaux d’ossements mais envoie des petites crottes rigolotes, les terroristes sont devenus inoffensifs, le deuil final s’est changé en retrouvailles. Le tour de force de Bong Joon-Ho est d’avoir intégré au film sa propre critique à travers l'évocation de sa conception, seule façon d’assumer la contradiction de travailler pour l’empire Netflix. "Okja", ce gros machin construit pour satisfaire la demande des consommateurs, rafistolé, bafoué, supplicié, montré en spectacle, renvoie à la gueule de son public la violence de ses conditions de production et semble nous dire de faire comme son réalisateur : surtout ne pas le regarder !

Voir "Okja" en plus de "Mother" permet de mieux comprendre "The Host". La métaphore maternelle a quelque chose de politique elle aussi. La société coréenne, tout comme le monstre, résulte de l'impéralisme américain et du renoncement coréen. C'est une mère qui étouffe sa fille ou la réduit à la passivité (la sœur archère). Quant à la masculinité, après la brutalité des années 80, est elle devenue assoupie et absente, incapable de s'occuper de ses filles (ni même de les voir, puisque le personnage se trompe de gamine au début). La fin où le petit garçon a remplacé l'adolescente n'est pas présentée comme positive (la fin d'un film n'est pas forcément la vision d'un idéal ou un mot d'ordre, et n'interdit pas d'avoir un point de vue critique sur le monde qu'elle dépeint), elle montre seulement ce que le personnage du "héros", incarnation du mâle coréen actuel pour Bong Joon-ho, a été capable de faire jusque là, et le fait qu'il soit devenu père d'un garçon et non pas d'une fille va dans ce sens.

Dans "Mother" la mère est une figure dévorante, infantilisante, incapable d'ouvrir les yeux sur ce que son rejeton est devenu, préférant recourir à la brutalité pour mettre la poussière sous le tapis plutôt que d'affronter les problèmes, dont celui des rapports entre hommes et femmes, tous très violents dans le film.

Enfin "Okja" peut apparaître comme le versant féminin de "The Host", puisqu'il est cette fois centré sur une jeune fille. S'y développe une vision du sexe assez singulière, notamment à travers la scène d'accouplement forcé d'Okja. Voici un autre passage sur "Okja" de ce que j'avais mis sur le forum d'ASI :
Tous les personnages du film sont plus complexes qu’il n’y paraît, à commencer par son héroïne Mija. Bong Joon-Ho en fait une jeune fille refusant de devenir jeune femme (son oncle préfèrerait qu’elle rencontre des garçons plutôt que traîner avec un animal). Elle finit par échanger son cadeau de mariage contre Okja, qui semble incarner, sous la forme d’un doudou très envahissant, l’enfance que Mija refuse d’abandonner, préférant le pipi-caca à la découverte du sexe. Dès lors la scène d’accouplement prend tout son sens, au-delà de la maltraitance animale. Ce n'est pas une critique de la pression sociale du mariage, mollement incarnée par le grand-père. Okja est humanisée (nulle mention de chaleurs) et comme Mija elle refuse de fréquenter les garçons. La scène est poussée à l’extrême et prend la forme d’un viol. Tout est fait ensuite pour que Mija ne soit pas mise face aux images de la vidéo, mais elle est placée dans un dispositif pervers où tout se passe dans son dos. On ne sait pas ce que Mija dit ensuite à l’oreille d’Okja pour la calmer. A la fin toutes les deux retournent vivre comme avant à la campagne, avec un petit qui n’est pas celui d’Okja, dont le viol semble n'avoir laissé aucune séquelle. Okja incarnant une sorte de double inconscient de Mija, on peut se demander de quoi Mija est rescapée… L’oreille-boîte-noire d’Okja, réceptacle des confidences de Mija depuis sa plus tendre enfance, a recraché une scène terrible qui pourrait être le refoulé de la jeune fille. Le film reste d'ailleurs évasif sur son passé (même ses parents sont enterrés), et la maintient dans un rapport au sexe uniquement fondé sur le déni voire le dégoût (comme dans "Indiana Jones et le Temple Maudit", autre film d’enfants pour adultes mémorable).

La société coréenne présentée dans "Okja", toujours gangrénée par la corruption et la soumission, semble encore loin de parvenir à la maturité, mais cette fois les femmes sont présentes : la petite fille a survécu et Okja, devenue mère par adoption, élève son enfant. Il faudra attendre les prochains films de Bong Joon-ho pour savoir comment les choses évoluent... Quant aux hommes, ils ne sont plus représentés que par le grand-père, complètement hors du coup et amené à disparaître. L'idée de renouveau était déjà avancée dans "Snowpiercer", où le train (désigné au féminin dans la version anglaise) pouvait se voir comme le prolongement du monstre : les personnages adultes mourraient dans le déraillement et seuls le petit garçon afro-américain et l'ado coréenne survivaient. Cette dernière y était d'ailleurs jouée par la comédienne avalée par le monstre de "The Host" !

Merci pour cette émission !

posté le 10/03/2018 à 20h32 ( modifié le 10/03/2018 à 20h46 )

10/02/2018 - Dans Le Mythe - La Matrice

Merci pour cette excellente émission, vivement la prochaine !

posté le 17/02/2018 à 22h04 ( modifié le 17/02/2018 à 22h05 )