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commentaire(s) publié(s) par Philomène

17 commentaires postés

06/04/2024 - Dans le Texte - Paradoxes de récits de transclasses

Echange très intéressant qui souligne l'idéalisation potentielle de cette figure du transclasse. Merci bcp, ça permet de compléter l'entretien avec Chantal Jacquet.

posté le 07/04/2024 à 09h45

18/03/2023 - Dans le Texte - Beaufs et Barbares

Woaw, merci pour cette interview, je trouve la thèse développée d'une grande justesse, notamment sur ce "trou béant" que serait la blanchité. Que l'être humain ait besoin de spiritualité, cela ne signifie pas qu'il ait besoin d'une religion dogmatique, mais de valeurs qui transcendent le consumérisme. Ce silence après la question sur l'âme est magnifique !

Juste une remarque : cette indifférence des blancs, très caractéristique et très bien expliquée d'ailleurs (culpabilité profonde, et je suis d'accord, à l'ère de la communication numérique, tout le monde sait d'où proviennent nos richesses : tout le monde sait que son t shirt est made in china), est néanmoins plus complexe. Le souci de l'autre semble être devenu un luxe : ce sont précisément les blancs riches et éduqués qui peuvent se permettre financièrement, temporellement, de se consacrer "à l'autre". Les prolos sont quasiment forcés à être maltraitant : nombre de témoignages d'infirmières en EHPAD, de professeurs dans les écoles, disent devoir être maltraitant du fait des conditions de travail, et en souffrent. Quelle solution s'offre à eux à part démissionner ? Ils démissionnent d'ailleurs, mais dans les autres secteurs c'est finalement la même histoire : écraser l'autre et encore plus explicitement. Quelle consommation peut se permettre une personne qui gagne le SMIC ? Peut-elle se dire constamment que cette viande, ce légume, ce vêtement, ce gaz, ce jouet proviennent de l'exploitation d'autres enfants ? Oui, et après ? quelles alternatives ? (Le seconde main, moins consommer : les pauvres sont parfois les plus vertueux dans la participation faible qu'ils peuvent prendre à l'exploitation du fait de leurs faibles revenus mais ce qu'ils consomment est souvent moins "éthique" et puis il y a toute la logique psychologique bien étudiée du fait qu'offrir un mac do à son enfant c'est aussi se dire que, même si on ne peut pas lui offrir de grandes choses, eh bien on peut lui offrir au moins ça). La concurrence mise entre les salariés, entre les gens, détruit de facto cette solidarité. L'indifférence face à ceux qui mendient dans les grandes villes par exemple relève de la survie psychologique. A chaque fois que je vais sur Paris, c'est insupportable de voir tant de misère mais les parisiens semblent bien s'en accommoder. En y réfléchissant il leur est impossible de s'en rendre sensible, sinon le moindre trajet est impossible. Cette cécité est le mélange d'une volonté évidente de ne pas voir mais aussi une nécessité vitale et c'est à mesure que l'on monte les échelons socio-économiques que "la morale" peut s'exprimer : peut-être pas une vraie morale d'ailleurs, ni même une morale authentique et sincère (achat de bonne conscience, sentiment de supériorité ou syndrome du chevalier blanc), mais qu'un espace consistant, ordonné, à propos de nos conditions de vie et de leur légitimité peut émerger. Ce n'est pas que les pauvres soient immoraux, au contraire, probablement par des modes de vie qui imposent de fait plus de communauté, de solidarité, le souci à l'autre (mais ce n'est pas le même "autre" dont il s'agit, c'est même un autre soi-même, plus égalitaire d'ailleurs, pas l'autre auquel on condescent à faire l'aumône) est très fort, mais pouvoir élever cette solidarité à plus loin est juste impossible. D'où, me semble-t-il, la critique virulente aussi des "petites gens" pour les "gens de gauche" comme étant des "bisounours", "hors des réalités" : il faut bien avoir du temps et de l'argent pour, après avoir travaillé, avoir pris des transports pendant longtemps car habitant loin ou ayant un travail fractionné, s'être occupé de sa famille, de son logement, et de toutes les questions administratives et quotidiennes, se dire explicitement "mais que puis-je faire contre cet état de fait si injuste?".
Ou alors il faut être très conscientisé, et même ainsi, on a tous nos ambivalences comme c'est dit. Mais justement cette indifférence aussi est très ambivalente.

Voilà, merci bcp en tous cas.

posté le 18/03/2023 à 15h54

19/02/2022 - Aux Sources - Le consumérisme, ou l'envers du capitalisme

Merci beaucoup pour cette émission très intéressante.

Juste une remarque : j'aurais aimé qu'il soit question de cette tendance au "frugalisme" ou "minimalisme", courant américain en vogue, complètement paradoxal car ne remettant en cause que la possession individuelle d'objets, pas du tout de la propriété, au contraire. Il s'agit souvent de gens très aisés, qui vivent chichement dans l'idée d'investir le différentiel d'argent économisé et devenir rentier, en gros. Or, pour ce faire, il faut avoir un rapport très particulier, paradoxal et privilégié aux objets. Bref, cet axe est intéressant même s'il tombe peut-être dans ce que l'autrice appelle "psychologisation" du problème (mais sur la négation de la matérialité justement ce serait quand même intéressant).

posté le 20/02/2022 à 09h43

30/10/2021 - Dans le Texte - L'empire de la bêtise

Beaucoup de passages très intéressants (la propension à l'intelligence tout comme à la bêtise de tout à chacun, la fin sur les réformes révolutionnaires et sur l'idée que ce qui est révolutionnaire n'est pas un grand soir mais une sorte de travail progressif qui se trame en "sous-sol", les q° de l'inconscient bourgeois, la subtilité du propos sur ce qu'il faut connaître du passé pour comprendre que toute reconstruction sociale se fait par une catastrophe, etc.) mais une désagréable impression de grande naïveté de la part de l'invité et une déception m'envahissent.

Peut-être parce que je suis enseignante et que j'assiste au désolant spectacle du délabrement orchestré de l'Education Nationale aux premières loges, ce qui me fait douter de la confiance que l'on peut avoir dans la raison humaine : lorsqu'on voit qu'une majorité d'élèves préparant le baccalauréat n'a pas les bases de grammaire, de syntaxe ou d'histoire, on peut se demander quel esprit critique ils peuvent bien porter (je dis bien porter, et non avoir). Mes élèves de 17, 18, 20 ans peinent à lire des extraits de texte et butent sur des mots type "tisserand", "à l'aune de", "mitoyen" et leur maîtrise de la conjugaison fait qu'en confondant participe passé et infinitif le sens d'un texte leur échappe (ou de l'utilité de l'orthographe). Sans être pédante, je reconnais qu'ils ont de l'esprit critique, mais en l'état, sans formation de celui-ci avec des connaissances scientifiques, historiques etc. cela est insuffisant. Or, cela est voulu, cf. les réformes de l'Educ nat depuis 20 ans au moins. Je me retrouve avec des classes composées d'élèves issus de tout ce que la société peut vouloir rejeter. A la fois les élèves peuvent être pertinents sur des points de critique quant aux constats (ils voient leurs parents galérer, ils voient l'environnement détérioré, ils voient (subissent) le racisme, l'exclusion etc.) Mais leur solution est d'adopter le schéma dominant de l'idéologie bourgeoise précisément martelée par tous les réseaux, explicitement ou implicitement et l'idée qui se dégage c'est que le monde va s'écrouler, soit, que je puisse au moins avoir une position sociale dans laquelle j'y échappe un peu. Comment leur en vouloir ? Moi-même je m'interroge sur une carrière entière avec des publics difficiles, une paie qui rend impossible de se loger en région parisienne et la prévision d'une retraite minable.

Bref, le dialogue apparaît, paradoxalement, comme totalement déconnecté précisément de ce sur quoi il s'appuie : les conditions matérielles d'existence des gens. Ces discours policés et approfondis ne sont plus possibles pour une part grandissante de la population, étant prise dans une logique de survie. Nous sommes aujourd'hui à la fin d'un cycle de libéralisation telle, nouvelle par certaines formes, que l'on aboutit à une destruction de l'esprit de toute une génération, de manière méthodique (il faudrait analyser en parallèle du naufrage de l'Education nationale la montée des diverses technologies, de leurs modalités, de leurs effets sur les jeunes : le zapping permanent, l'impossibilité de se concentrer longtemps et d'être dans la subtilité, la perte vertigineuse de vocabulaire qui entraîne, me semble-t-il, une perte de subtilité dans la sensibilité même !)

Bref, un entretien intéressant sur le fond mais assez déconnecté, je trouve, sur l'état actuel de la raison notamment chez la nouvelle génération, celle dont pourtant il est question, celle qui fera la société de demain, dans une trentaine d'années.

posté le 30/10/2021 à 17h36

06/03/2021 - Aux Ressources - Contre la résilience

Merci beaucoup pour cet entretien passionnant.
J'ai trouvé Laura Raim bien plus stimulante dans ses questions ici. Je reste un peu sur ma faim concernant plusieurs axes qu'elle a soulevé et que l'invité n'a pas vraiment pu développé. Je m'interroge notamment quant à la question du "risque" dans l'économie capitaliste et du lien qu'il peut y avoir avec la résilience et l'invalidation de la peur : on sait à quel point la prise de risque est valorisée dans l'économie capitaliste, l'idée que réussir suppose d'avoir pris des risques (de la figure de "l'entrepreneur" qui fait faillite à plusieurs reprises avant de devenir millionnaire - et le devient parce qu'il a su rebondir face à des prises de risques apparemment nécessaires - à la justification des montants mirobolants des parachutes dorés). Est-ce que l'ouvrage développe ce point ?
Encore merci !

posté le 07/03/2021 à 18h27

30/05/2020 - Dans le Texte - Covid19 : Pas de quartier pour les non-blancs

Super merci pour les liens, ce serait bien de les mettre dans la description non ?

posté le 03/06/2020 à 15h53

30/05/2020 - Dans le Texte - Covid19 : Pas de quartier pour les non-blancs

Est-il possible de partager par commentaire ou dans la description de la vidéo le lien de soutien financier à l'application UVP ? Merci.

posté le 01/06/2020 à 12h32

30/05/2020 - Dans le Texte - Covid19 : Pas de quartier pour les non-blancs

Merci beaucoup pour cette émission. Le point terminologique de Mme Bouteldja est très éclairant quant à la politique inscrite dans nos mots, l'importance de bien nommer. Et l'application mobile de Mme Bentounsi est vraiment ingénieuse, à partager dans tous nos réseaux pour se défendre juridiquement ! Cela pourra peut-être résorber ma peur de retourner en manifestations ...

posté le 31/05/2020 à 10h25

21/03/2020 - Aux Sources - L'économie est morte, vive l'économie !

Merci beaucoup pour cette superbe émission !

Une question : comment cette transcendance peut-elle être autre que celle d'un au-delà absolu, d'ordre religieux ? D'un simple écart avec l'immanence ? Plus simplement : sur quoi fonder des principes légitimes assez puissants pour changer notre économie actuelle atrophiée sans recours avec !es valeurs morales héritées de la religion qui finissent par nous inviter à nous détourner de l'immanence précisément ?!

posté le 21/03/2020 à 14h59

28/09/2019 - Dans Le Film - The Yards de James Gray

Merci pour cette découverte, je ne connaissais pas ce réalisateur. Ses problématiques et l'analyse que vous avez faite de son esthétique m'intéressent beaucoup. J'espère que ce n'est pas de la surinterpretation comme l'affirme "Charles" dans un commentaire plus bas.

posté le 06/10/2019 à 17h04

11/05/2019 - Aux Sources - La haine des intellectuels

Merci pour cet entretien très intéressant.

J'ai une question : dans quelle mesure lorsqu'on trouve que le travail d'un intellectuel manque de rigueur ou de sérieux cela peut être rangé dans de l'anti-intellectualisme ? Je demande ça car j'ai apprécié découvrir qu'il y a beaucoup plus de formes d'anti-intellectualisme que ceux dits "populaire" ou "petit-bourgeois", en revanche je n'arrive pas à comprendre pourquoi l'auteure classe les propos de Bourdieu dans de l'anti-intellectualisme alors même que celui-ci précise que s'il y a une sociologie qui dessert l'ambition sociologique c'est précisément celle qui reste bloquée dans une forme d'idéologie et ne veut justement pas mettre en question son prisme de lecture.

Quelles sont les frontières de ce concept d'anti-intellectualisme ? Je trouve que l'émission ne permet pas de distinguer suffisamment cette attitude d'autres qui ne sont pas du même ordre (critique, exigence scientifique etc...)

Au passage je tiens à souligner que j'apprécie de plus en plus les entretiens menés par Manuel : la contextualisation, les questions et les remarques sont bien mieux posées qu'avant, ce qui permet vraiment un gain intellectuel. Merci !

posté le 19/05/2019 à 15h56

20/10/2018 - Dans le Texte - La Condition anarchique

A Abracadabra : ce n'est pas du tout le tome II ou la continuité des propos de Lordon, c'est une interrogation (qui se veut critique mais respectueuse) à ce qui s'est dit ici.
(Au fait, de quelle image subliminale parlez vous?)

posté le 22/10/2018 à 06h49

20/10/2018 - Dans le Texte - La Condition anarchique

Je ne sais pas trop par où commencer.

D'abord un étonnement : ce thème de la teneur affective des valeurs, du nihilisme qu'elle impliquerait et la possibilité de justement pousser cette logique jusqu'au bout, jusqu'à un conventionnalisme absolu qui ne reposerait finalement que sur la "puissance" a déjà été reprise et pas de la moindre des manières. Il s'agit de la pensée nietzschéenne. Je suis très étonnée de ne rien en entendre (peut-être cela apparait dans la réflexion écrite). En tous cas Nietzsche distingue bien différentes formes de nihilismes, du passif à l'actif, où dans ce dernier on se hâte d'aller jusqu'au bout de la logique des valeurs qui reposent sur la supposition de substances (au sens littéral de d'un soubassement de l'être), d'"arrières-mondes".

Et justement, ma deuxième remarque est en lien avec ce rappel philosophique : la possibilité de refonder des valeurs nouvelles, autres, qui prennent en compte une nouvelle anthropologie où les passions ne sont plus secondaires, suppose donc cette "descente" comme l'appelle Judith, "généalogie" comme l'appelle Nietzsche. Or, en descendant ainsi, ce que maintient Spinoza de cette toute puissance de la raison, semble quand même être un résidu des pensées de l'arrière-monde. Je m'explique : l'Ethique semble être scindée en deux. Les premières parties, jusqu'à la partie IV sur les passions humaines semblent refonder une nouvelle anthropologie car elles fondent une nouvelle conception du monde et notamment de Dieu lui-même ("Deus sive natura"...) mais cette dernière partie sur la béatitude du sage reste incompréhensible si on en reste à une conception de la raison comme ce qu'en a donné la tradition de l'Antiquité grecque revue par le christianisme. En effet, selon cette conception la raison humaine n'a rien à voir avec ce monde d'ici-bas, ce monde de matière corruptible et de non-sens. Tant Platon que Saint Augustin nous font comprendre que la raison est le signe d'une supériorité ontologique de l'homme, d'une nature autre, meilleure (d'où on tirerait des valeurs absolues...). Bref, si on rompt avec cela, ce que fait Spinoza - semble-t-il sans même le vouloir vraiment - sa dernière partie sur la conduite de la vie sous la raison est à comprendre autrement que ne l'a exposé la vidéo, qui semble poser passions et raison comme antithétiques.

Ce deuxième point simplement pour émettre une critique sur la logique de fond de la "transvaluation des valeurs" si on adopte un langage nieztschéen : les nouvelles valeurs que l'on cherche ici à poser (valeurs "de gauche"), malgré ce fait principiel que les valeurs ne sont que le résultat d'affects, peuvent avoir un réel ancrage. Si on prend au sérieux l'influence de Spinoza sur Nietzsche, la seule possibilité de mettre fin à des valeurs qui se perdent ou qui subissent des inflations jusqu'à devenir des non-sens reviendrait à les ancrer au monde réel, matériel, la Nature, ce monde d'ici-bas. Pourquoi je dis cela ? Parce-qu'à trop souligner le caractère affectif, au sens de sentiments, des valeurs, la transvaluation voulue n'aboutira pas. Exemple : si ce n'est que mon intérêt qui fait la valeur d'une chose tout se vaut. En quoi serait-il meilleur de vouloir partager les richesses du monde plutôt que de se les accaparer ? Tout est pareil! Nous sommes alors dans un nihilisme passif. En revanche, si ce qui vaut dépend d'affects au sens spinoziste de ce qui a un effet sur moi, ce qui agit quasi-physiquement sur moi, alors là oui, le fait que telle chose se passe et pas une autre devient fondamental. Si le fait de manger des OGM me rend malade alors là oui il est important, objectivement, de s'y opposer puisque cela m'enlève de ma puissance d'agir. C'est objectivement moins bien que de laisser des multinationales produire des OGM. Ainsi, la question du changement politique n'est plus une question de posture idéologique (telle chose est mieux en soi, d'un pt de vue d'une manière de pensée) mais d'effets de décisions sur ma vie, mon corps, ma capacité d'agir, mon conatus.

Bref, tout ça pour dire que la grande distinction oubliée dans cette affaire est celle de Marx : valeur d'usage/valeur d'échange. Dire que la valeur est affaire d'affect c'est oublier de préciser ce qu'est l'affect. (Spinoza parle d'affect et non de simple désir ...). Ce n'est pas seulement l'affect au sens de l'affectivité psychologique, j'aime/je n'aime pas, tu me plais/tu me dégoûtes ; mais telle chose interfère dans mon action, tel être influe sur moi/j'influe concrètement sur un ensemble d'autres êtres. Ainsi, même si la pensée de Spinoza apparait très abstraite, elle est à considérée d'un point de vue matérialiste au sens marxien. La valeur n'est pas seulement ce qui acquiert existence et force d'un point de vue symbolique par la convergence d'une multitude ; c'est aussi ce qui nous permet de vivre, ce qui "importe" pour nous non plus symboliquement mais le plus concrètement du monde (pouvoir manger, se loger...). Là aussi donc, très étonnée de ne pas entendre parler de valeur d'échange et de valeur d'usage. Si la valeur financière s'envole, c'est qu'on met de côté la valeur d'usage des choses. Ce n'est pas que la valeur n'ait aucune réalité tangible qui ne la soutienne, mais parce qu'on aimerait en tant qu'humain, encore pétris de désirs d'au-delà, que notre vie immatérielle n'ait rien à devoir au matériel. Cette question va en fait très loin. Prendre au sérieux la question de la valeur c'est interroger ce qui fait de nous des êtres humains autres que de simples animaux (et si c'est vraiment le cas) ! Les choses en elles-mêmes ont une valeur intrinsèque : la valeur intrinsèque d'un pull est de nous tenir chaud. Or, peu d'humains achètent un pull seulement pour cela. On achète un pull pour avoir tel ou tel style donc apparaitre d'une manière auprès d'autres.

Il est donc effectivement très possible d'être désespéré par la question des valeurs : lorsqu'on comprend que pour un être humain pour qui l'altérité est nécessaire à sa propre construction, on comprend que rien ne vaut par lui-même mais seulement du point de vue de la reconnaissance des autres. Spinoza s'attarde sur la question de la valorisation via les autres (c'est peut-être même cela dont il est question ici par valorisation par la multitude). Ce qui est intéressant est ce processus de réciprocité : pourquoi qqch ne vaut que s'il vaut aussi pour autrui ? Vouloir une belle et grosse voiture clinquante a-t-elle un sens si elle n'est pas admirée par d'autres, qui par leur admiration donne de l'importance au propriétaire de la voiture ? Mais tout se mélange : ce désir d'être reconnus des autres (reconnu positivement, voire au-dessus des autres) ne vient-il pas d'une non acceptation de l'être-néant de l'homme ? Du fait que nous nous valons, que nous allons tous mourir et qu'il n'y aura ni salut ni rien d'autre ? Que nous sommes de la même nature que la matière, la terre, la moisissure ... De là il est possible par une force philosophique extrême d'accepter ce sort absurde de notre existence (ici par un nihilisme actif qui devient créateur et artiste, en se confrontant au réel et en voulant en être, créateur de formes). Mais la majorité - y compris moi - de l'humanité ne le peut dans l'état actuel de la pensée, et Spinoza non plus. Si on en était capable, le changement que l'on souhaite voir arriverait : changer les couches d'un bébé apparaitrait comme une valeur suprême (l'hygiène étant la condition sine qua non pour vivre) ; et la production de publicités pour des produits dont nous n'avons pas besoin cesserait. Mais cela supposerait une refonte complète de notre imaginaire, même pour les moins religieux d'entre nous et les plus prêts à changer.

posté le 21/10/2018 à 15h11 ( modifié le 21/10/2018 à 15h15 )

13/10/2018 - Dans Le Mythe - Les Super-héros

Merci beaucoup pour cette émission très riche en termes de références de comics !

Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au sketch de l'humoriste français d'origine camerounaise Thomas N'gijol "Le superman noir" dans lequel il montre la limite de Superman ("Quand Superman vole au dessus de l'Afrique il fait semblant de pas nous voir") et imagine ce que serait un Superman noir et il en arrive à la conclusion que ce serait simplement un dictateur qui profiterait de ses supers pouvoirs pour s'en sortir lui et non venir en aide aux hommes.

Je trouve ce sketch assez drôle et assez juste dans la critique : peut-être que pour répondre à la question de l'absence de Superman arabe, il faut se demander dans quelle mesure penser un homme avec des super pouvoirs et qui les mettrait au service d'une amélioration de la vie terrestre n'est pas une problématique d'une subjectivité purement occidentale et sécularisée. Ce qui recoupe l'idée de départ de l'interview : les supers héros reflètent notre pouvoir croissant sur le monde et les responsabilités qui vont avec mais surtout il rompent avec la question de Dieu et d'un au-delà. C'est complètement anthropocentré malgré le fait qu'on mobilise des formes toujours très diverses de leurs pouvoirs (feu, forces physiques diverses ...) et justement ce sont ces super héros qui "sauvent" (la question du salut est complètement métamorphosée).

Bref, tout ça pour dire que cette thématique est super riche et intéressante mais je trouve qu'elle est angoissante d'un point de vue de la richesse des cultures humaines car elle force (de manière douce #softpower mais quand même) des pensées différentes à adopter ce prisme narratif pour imaginer les choses. Et peut-être qu'en adoptant ce type de récit on perd qqch (même s'ils peuvent être subvertis comme l'a montré la partie sur l'appropriation des milieux homosexuels ou féministes ; ou même la représentation des super héros japonais où la collectivité semble plus importante comme dans Dragon Ball Z).

posté le 14/10/2018 à 11h01

21/04/2018 - Dans Le Mythe - Cannibales !

Merci pour cette émission très riche.

J'aurais deux petites remarques : je trouve dommage que la discussion soit simplement un suite d'aspects du thème. La problématisation identité/altérité aurait pu mieux structurer l'ensemble de l'entretien, notamment dans sa seconde partie : je trouve la conclusion - si conclusion il peut/doit y avoir - pauvre voire inexistante, on reste un peu sur notre faim ... La seconde remarque est que vous aviez annoncé une dimension amoureuse de la question. Elle affleure dans l'analyse d'Hannibal Lecter mais elle n'est pas traitée pour elle-même, or je trouve qu'elle est relativement centrale : le rapport de possession (indu ?) qu'il y a dans la relation amoureuse qui culmine dans le "fait de ne faire qu'un" charnellement jusqu'à la possibilité de mettre au monde un enfant ! La partie développée - insuffisamment - par Rafik Djoumi sur l'allaitement est passionnant. La dimension métaphysique de la dialectique création/destruction qu'implique la figure cannibale joue son plein à ce niveau-là, et le fait que les réalisateurs des derniers films sur cette figure soient des réalisatrices peut être intéressante (je suis consciente de la nécessité de calibrer la vidéo en un temps limité mais j'attendais bcp de cet aspect là). Peut-être que Mondher Kilani l'aborde dans son livre ?

En tous cas je vous remercie. Avec la vidéo de la semaine dernière de François Cusset sur la violence, la dimension philosophique des entretiens refait surface, ça fait plaisir.

posté le 21/04/2018 à 20h41

08/10/2016 - Aux Ressources - La fabrique scolaire de l'Histoire

La deuxième partie de l'entretien est extrêmement intéressant. D'abord pour le partage d'expérience en tant que jeune prof pleine de bonnes intentions qui aboutit finalement à une imposition idéologique d'une image à des enfants : je trouve ce propos très vrai, en tant que jeune prof (de philo), et trop rare sur Hors-série. On sort - enfin ! - de notre entre-soi gauchiste pour s'interroger vraiment sur nos propres représentations, leur place et leur rôle dans la société (et on a un discours très pratique, concret qui sert comme partage d'expérience). Ensuite, pour l'idée de "sociologiser" l'histoire - ce qui devrait également s'appliquer à la philosophie, mais pas de la manière dont en appellent souvent nos intellos mais dans la perspective d'une dé-héroïsation : oui ce sont des gens "normaux" qui pensent, qui agissent et qui peuvent faire changer les choses. Il n'y a pas besoin d'appartenir à la classe des intellos, des bac +5 pour pouvoir avoir un avis légitime sur ce qui se passe dans notre société. Entretien vraiment intéressant, je repars avec un site super - Aggiornamento hist/geo - pour essayer à l'avenir des projets inter-disciplinaires histoire/philosophie dans cette perspective, un grand merci à Mme De Cock et à Hors-série !

posté le 21/01/2018 à 10h54

11/10/2014 - En accès libre - Les transclasses

Bonjour,

Je vous remercie de cette interview très intéressante et riche. Je voudrais néanmoins souligner un point aveugle de la réflexion développée lors de cet entretien (je n'ai pas encore lu le livre donc peut-être faudrait il que je m'y réfère) qui serait celui des transclasses non réussis, avortés. Je m'explique : vous avez parlé en un certain sens des échecs de transfusions de classes mais cela une fois ces transferts réalisés effectivement (Julien Sorel ou Martin Eden). Or, je m'interroge sur la violence symbolique et émotionnelle qui réside dans la mise en échec de ces parcours. Par exemple, venant d'un milieu moyen voire populaire, j'ai pu accéder à l'université, obtenir un master et passer l'agrégation ... à laquelle j'ai été deux fois admissible mais jamais admise. Or, je m'interroge sur cet échec non pas seulement du point de vue des connaissances mais sur la force d'un ensemble de représentations mais aussi de pratiques (à la fac nous disposons d'autres moyens pour se former que ceux qui disposent des moyens d'excellence) qui incitent à entreprendre ces parcours d'ascension sociale tout en étant par définition des chemins très élitistes qui broient psychologiquement et socialement (et même économiquement) les personnes qui ne parviennent pas à faire aboutir ces trajectoires par le changement de classe. Que penser des "transclasses ratés" en quelque sorte, qui pour autant qu'ils n'atteignent pas l'autre classe visée, sont néanmoins comme enfermés dans la classe où ils sont par l'incompréhension qu'ils génèrent ?

Je vous remercie,

Une récente abonnée.

posté le 03/07/2017 à 12h09