Hors-Série
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La fiction et ses sortilèges

En accès libre

Julia Deck

Nous avons tourné cet entretien avec Julia Deck le 23 décembre 2014. Autant dire : dans ce qui nous apparaît ces jours-ci comme « le monde d’avant ». Avant les morts des 7 et 8 janvier, avant le massacre, la sidération, et cette sorte d’hébétude glacée qui persiste depuis. Mais Hors-Série est comme ça : dans sa propre temporalité, cet écart obstiné qui peut nous donner l’impression de flotter comme un satellite dans le calme cosmique. Continuons donc notre propre cheminement : après avoir reçu Nathalie Quintane en novembre, qui portait sur la fiction contemporaine un regard sévère, je me sentais gênée de laisser imaginer que les romans d’aujourd’hui manquaient l’époque.

J’avais lu les deux romans de Julia Deck, Viviane Elisabeth Fauville et Le Triangle d’hiver, respectivement parus chez Minuit en 2012 et 2014, et je les tenais déjà pour deux chefs d’œuvre. J’emploie rarement ces mots-là, « chefs d’œuvre », et je les pèse, et je les revendique encore : oui, chefs d’œuvre, ces deux textes qui combinent la grâce de l’inspiration, une maîtrise architecturale savante, un regard sur l’époque d’une acuité redoutable, une langue parfaitement ciselée et une forme très consciente de ses enjeux.


Julia Deck a d’abord décliné mon invitation : « Je ne théorise pas, je n’ai pas de ‘discours’» me disait-elle. Mais je ne voulais pas qu’on théorise : je voulais entrer avec elle dans l’artisanat de la fiction, m’approcher de son expérience de praticienne de l’écriture, explorer avec elle les motifs de son travail – cette quête opiniâtre d’une subjectivité, dans une époque qui fait tout pour l’abolir, cette expérimentation de la liberté, dans un monde qui la singe pour mieux l’interdire, ce goût de la fiction comme aventure, à commencer par celle du lecteur, qu’elle a l’art d’hypnotiser pour lui faire expérimenter des sortilèges dont on sort forcément modifié…


Cet art puissant de l’écriture n’a pas de recette, pas de secret qu’on puisse voler ; mais, comme tout art, c’est aussi un travail, dont on peut interroger les formes, le projet, les enjeux et les significations : c’est à quoi nous avons consacré notre entretien, avec un plaisir que j’espère contagieux.

 

 

En accès libre , émission publiée le 10/01/2015
Durée de l'émission : 81 minutes